Bill Gates, le milliardaire qui industrialise l’agriculture mondiale

(source : Reporterre/Magali Reinert – 16 mai 2024)

À coups de millions de dollars, la Fondation Bill & Melinda Gates contourne et façonne les politiques internationales en matière d’agriculture. Les grands gagnants de ce jeu antidémocratique : les agro-industriels.

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La politiste souligne que « ce discours domine dans de nombreuses instances de l’ONU sur le développement agricole et la sécurité alimentaire, alors que les principales explications de la faim dans le monde sont la pauvreté, le manque d’accès à la terre et les guerres, et seulement très rarement un déficit de production. »

« Les entreprises de l’agroalimentaire siègent à la table des décideurs de l’ONU »




À la COP28 à Dubaï, en décembre dernier, Bill Gates a été accueilli comme une star. Le milliardaire étasunien a reçu les applaudissements des représentants des États lors d’un sommet dédié à la transformation des systèmes alimentaires, organisé le 1er décembre par la présidence émiratie. Au nom de sa fondation Bill & Melinda Gates (BMGF de son acronyme anglais), celui qui a fait sa fortune grâce à l’empire Microsoft a promis, en partenariat avec les Émirats arabes unis, une enveloppe de 200 millions de dollars (187 millions d’euros) pour l’innovation en agriculture.

Ce coup de projecteur — c’était la première fois qu’une déclaration sur l’agriculture était adoptée lors du plus grand sommet dédié au climat — illustre la place jouée par la BMGF dans le cadrage international de la question agricole. Et pour cause. Déjà dominante dans le secteur de la santé, la BMGF est devenue le plus gros investisseur à vocation philanthropique en agriculture. Ses fonds sont immenses. Depuis sa création en 2000, la fondation a reçu de Bill Gates plus de 59 milliards de dollars (55 milliards d’euros) selon Forbes. D’abord par un transfert de fonds de Microsoft puis par les fonds propres du milliardaire, qui tire également sa fortune – 128 milliards de dollars (120 milliards d’euros) début 2024 – des revenus du capital de sa société d’investissement Cascade Investment.

« Un outil pour contourner les politiques publiques »

Quatrième fortune mondiale, Bill Gates est déterminé « à construire un monde meilleur, en conformité avec [ses] idéaux », remarquait Peter Hägel, qui a participé au livre Philanthropes en démocratie (Puf/Vie des idées, 2021). Pour cela, l’« outil » de la philanthropie lui permet « de contourner, de remplacer ou de façonner les politiques publiques », selon le spécialiste de politique comparative internationale à l’université américaine de Paris. Ainsi, tout à fait légalement, Gates et les autres philanthropes — auxquels on pourrait ajouter les grands groupes agro-industriels auxquels ils sont liés — « violent le droit à l’autodétermination collective », résume le chercheur.

Un discours « à l’unisson des intérêts des géants industriels »

La fondation Gates entend résoudre les problèmes des paysans pauvres en « investissant dans l’agriculture en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud »parce que « la croissance du secteur agricole est le moyen le plus efficace de réduire la pauvreté et la faim », selon le site de la fondation. Celle-ci n’a pas donné suite à nos questions.

Cette vision productiviste est mise en pratique dès 2006 dans le programme phare Alliance pour la révolution verte en Afrique (Agra). Depuis, l’Agra est la cible de nombreuses critiques par les organisations de développement. Une étude internationale publiée en 2020 par la Fondation Rosa-Luxembourg souligne les « fausses promesses » d’un programme qui prétendait « doubler les rendements agricoles et les revenus de 30 millions de ménages de petits producteurs de denrées alimentaires d’ici 2020 ». L’étude dresse un bilan résolument négatif de l’Agra : « Les augmentations de rendement des principales cultures de base dans les années précédant l’Agra ont été aussi faibles que pendant l’Agra. Au lieu de réduire la faim de moitié, la situation dans les treize pays concernés s’est aggravée depuis le lancement de l’Agra. »

Le panel international d’experts indépendants sur l’alimentation Ipes Foodanalyse également dans une étude, publiée la même année avec la fondation suisse Biovision et l’Institut des études du développement britannique (IDS), l’approche technosolutionniste d’Agra pour qui « les technologies numériques, financières et biologiques modernes et les intrants externes, ainsi que le renforcement du secteur privé, sont les clés de la réussite », et de pointer que « parallèlement à la promotion des technologies modernes auprès des agriculteurs, l’Agra cherche à influencer les gouvernements nationaux pour qu’ils adaptent leurs politiques afin de soutenir l’adoption de ces technologies ».

En 2023, la BMGF a remis 200 millions de dollars au pot d’Agra, portant à près de 800 millions (756 millions d’euros) les aides versées au programme. Et de continuer à défendre les vertus de son modèle agricole dans différentes instances. « La Fondation Gates assume une activité d’influence auprès des gouvernements pour diffuser sa vision de l’agriculture. Son discours, à l’unisson des intérêts des géants industriels du secteur, se concentre sur l’augmentation de la productivité agricole, en utilisant plus d’intrants, des biotechnologies et autres nouvelles technologies », confirme Eve Fouilleux, directrice de recherche en sciences politiques au CNRS.

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Planter 1 milliard d’arbres : comment le plan de Macron rase des forêts

(source : Reporterre/Gaspard d’Allens – 15 mai 2024)

Le projet du gouvernement de planter 1 milliard d’arbres est « une supercherie », dénoncent des associations. D’après des documents obtenus par Reporterre, il servirait à financer des coupes rases et à industrialiser la filière.

L’État plante des arbres pour mieux raser des forêts. C’est la réalité cachée du projet de plantation de 1 milliard d’arbres vanté par Emmanuel Macron. Dix-huit mois après son annonce en grande pompe, au lendemain des incendies de l’été 2022, le plan qui avait pour ambition de « renouveler 10 % de la forêt française » et de « réparer la nature » montre un tout autre visage : les millions d’euros d’argent public déversés dans la filière servent de prime aux coupes rases et transforment des forêts diversifiées en monocultures résineuses. Une situation qui inquiète gravement les associations écologistes.

D’après les documents officiels du ministère de l’Agriculture, que Reporterre a pu consulter, 50 millions d’arbres ont déjà été plantés, sur 35 935 hectares. Dans de nombreuses régions, les conditions dans lesquelles se sont déroulés ces chantiers posent problème.

Les documents indiquent que 15 millions de plants d’arbres auraient été replantés sur 10 000 hectares de forêts qualifiées de « pauvres » par le gouvernement. Ces forêts rasées étaient en réalité « saines et bien portantes », assure l’association Canopée, qui a enquêté sur le terrain. Des coupes rases sur 6 500 hectares auraient même été réalisées en zone Natura 2000. Sur ces surfaces dévolues d’ordinaire à la protection du vivant, 1 500 hectares auraient été ensuite plantés exclusivement en pins douglas, une essence prisée par les industriels.

Adapter la forêt aux besoins de l’industrie 

« On nage en plein délire, s’emporte Bruno Doucet, chargé de campagnes au sein de l’association. Alors même qu’il y a urgence à préserver les forêts, on les rase pour les transformer en champs d’arbres. » Les associations écologistes dénoncent un « coup de communication » et « un projet mégalomane ». Le milliard d’arbres plantés aurait vocation non pas à aider la forêt à affronter le dérèglement climatique, mais à l’adapter aux besoins de l’industrie. « Si tous les arbres du plan “1 milliard d’arbres” sont plantés dans les mêmes conditions, cela signifierait que 200 000 hectares de forêts saines et vivantes seraient rasés d’ici 2032 », ajoute-t-il.

« La biodiversité a peu à peu été rejetée au second plan pour prioriser la récolte de bois et les fonctions productives de la forêt », regrette de son côté Christophe Chauvin, pilote du réseau forêt à France Nature Environnement (FNE). En septembre 2023, plusieurs ONG écologistes [1] alertaient déjà sur les dérives en cours« La stratégie s’est éloignée de l’enjeu qui en a initié l’élaboration », écrivaient-ils dans un rapport. « La restauration des écosystèmes » et le « renforcement de la résilience des forêts » ont été délaissés au profit d’une logique simpliste et comptable qui privilégie « les plantations en plein », c’est-à-dire les plantations après coupes rases, prévenaient-ils.

Une coupe rase révélée en juin 2023 par Canopée. X/Canopée Forêts vivantes

« Plutôt que de protéger les peuplements existants, en les enrichissant et en travaillant avec finesse, les industriels préfèrent tout couper pour les substituer à d’autres essences, du résineux majoritairement, qu’ils jugent plus résistant et plus intéressant économiquement », observe Christophe Chauvin.

Plus de 80 % des arbres sont plantés après une coupe rase 

Selon un rapport du Conseil supérieur de la forêt et du bois, un organisme ministériel, les plantations en plein, donc après coupes rases, représenteraient près de 80 % des opérations à effectuer pour atteindre la cible du milliard d’arbres, et donc se feraient en lieu et place d’anciennes forêts. Seuls 7 % des arbres plantés viendraient s’ajouter aux forêts existantes, principalement sur des terres agricoles abandonnées. À TF1, le ministère de l’Agriculture a tenu à préciser que « l’objectif du milliard d’arbres ne visait pas à créer de nouvelles forêts, mais bien à renouveler celles déjà existantes ».

« Renouveler », ou plutôt « transformer » la forêt et « abattre » des parcelles entières pour y replanter de jeunes arbres. Ce que le ministère assume auprès de Reporterre : « France Relance s’adresse à des forêts malades ou non adaptées au changement climatique. Il est donc normal que les plantations en plein soient très majoritaires. Les coupes rases sont essentiellement sanitaires », assure-t-il.

Les grandes coopératives forestières en embuscade 

Concrètement, 35 935 hectares ont été replantés de 2021 à 2023 pour un coût de 150 millions d’euros, d’après la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Le pin maritime et le douglas ont été les principales essences replantées sur d’anciennes forêts feuillues et les plantations après coupes rases ont représenté 32 046 hectares (soit 89 % de la surface totale). Ces chantiers lourds et coûteux ont été portés en grande majorité par les coopératives forestières, des entreprises qui plaident pour l’industrialisation de la filière.

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Réduire les pesticides ou taxer les importations polluantes : Jordan Bardella s’y oppose

(source: Basta/Emma Bougerol & Rachel Knaebel – 14 mai 2024)

Que votent les députés européens français quand il s’agit d’environnement ? Les élus de gauche portent la transition écologique, les macronistes hésitent, la droite et l’extrême droite y sont, en général, indifférents ou opposés. Décryptage.

Le Pacte vert européen, ou Green Deal, c’est ainsi que s’appelle le vaste programme lancé par l’Union européenne en 2019 pour atteindre la neutralité carbone – ne pas émettre plus de CO2 que l’on peut en absorber – sur le continent d’ici 2050. Pour cela l’objectif est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport au niveau de 1990.

« Ces cinq dernières années, l’Union européenne a enclenché un virage sans précédent dans la lutte contre le dérèglement climatique et plus largement pour répondre à la crise environnementale », souligne le Réseau action climat dans un décryptagedes votes des eurodéputé·es français·es sur le sujet. « Le Pacte vert européen est à ce jour le plan le plus ambitieux jamais adopté pour le climat », ajoute l’ONG.

Tous·tes les parlementaires européen·nes ne sont pas de cet avis. Parmi les 79 eurodéputé·es français·es qui siègent à Strasbourg, certain·es, en particulier à l’extrême droite, votent souvent contre les mesures du Pacte vert, qui contient aussi des textes sur la protection de la nature. Le Pacte vert est ainsi « l’objet de tous les fantasmes et attaques, en particulier de l’extrême droite qui appelle même à son abolition », pointe le Réseau action climat.

Jordan Bardella, tête de liste du RN aux européennes, a même accusé le Pacte vert d’être « une des grandes menaces qui pèsent aujourd’hui contre la France ». Dans son programme de 2022, le RN prétendait par ailleurs que « la crise de l’énergie qui vient, la crise alimentaire qui menace sont directement liées aux modalités contre-productives du “Green Deal” imposé par l’Union européenne ».

Ses élu·es, tout comme celui de Reconquête – le parti d’Éric Zemmour et de Marion Maréchal – s’opposent ainsi à la plupart des mesures écologiques et de lutte contre le changement climatique. À quelques semaines des élections européennes, qui se tiennent le 9 juin en France, nous avons examiné certains votes emblématiques sur les sujets environnementaux au Parlement européen, et les positions des élu·es français·es.

Plus d’énergies renouvelables : le RN est contre

Le 12 septembre 2023, le Parlement adopte, par 470 voix pour, 120 contre et 40 abstentions, l’accélération du développement des énergies renouvelables sur le continent. Le texte prévoit l’objectif ambitieux de 42,5 % de la consommation d’énergie de l’UE couverts par les énergies renouvelables d’ici 2030 (contre environ 23 % actuellement). Pour y parvenir, les procédures d’approbation des installations d’énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien, doivent être accélérées.

Le RN (et l’élu Reconquête) vote contre en bloc. Les Républicains s’abstiennent en grande majorité. Renaissance, LREM, Modem, socialistes, Place publique, LFI et les Verts votent pour.

Préserver la biodiversité : RN et LR contre

Près de 80 % des espaces naturels européens sont en mauvais état : environ un tiers des oiseaux nicheurs sont en déclin, les deux tiers des autres espèces animales sont dans un état « insuffisant » ou « médiocre », et les zones dites Natura 2000 ne semblent pas encore suffisamment protectrices, selon les évaluations de Bruxelles. C’est sur cette base que le Parlement européen a adopté, le 27 février 2024, le règlement européen pour restaurer la nature. Le texte est approuvé à 329 voix pour, 275 contre, et 24 abstentions.

Du côté des élu·es français·es, une partie de la droite et toute l’extrême droite ont manifesté leur désintérêt à protéger les espaces naturels et la biodiversité européenne : LR et le RN ont voté contre, ainsi que Nicolas Bay pour Reconquête et deux des quatre eurodéputés d’extrême droite indépendants. Au contraire, la gauche (Les Verts, LFI, les élu·es socialistes/Place publique) et la droite libérale (LREM et Modem) ont voté pour.

Le texte auquel ils et elles se sont opposé·es vise à restaurer au moins 20 % des écosystèmes de l’Union européenne d’ici 2030, et leur quasi-entièreté d’ici 2050. Les pays membres de l’UE s’engagent à remettre en bon état et à préserver les zones naturelles – forêts, prairies, zones humides, rivières, lacs et fonds coralliens – sur leur territoire.

« Nous passons de la protection et de la conservation de la nature à sa restauration. La nouvelle législation nous aidera également à remplir bon nombre de nos engagements internationaux en matière d’environnement », a déclaré le rapporteur socialiste espagnol du texte, César Luena, au moment du vote. Le règlement laisse le champ libre aux pays membres pour décider de la stratégie de restauration de la nature sur leur territoire.

Lors des débats, le 11 février 2024, l’eurodéputé RN Gilles Lebreton a de son côté qualifié ce texte de « catastrophique pour notre sécurité alimentaire », au mépris de ce qu’apporte la biodiversité à l’agriculture. En réponse, Benoît Biteau, élu écologiste et paysan, a répondu que « ce qui menace la souveraineté alimentaire, ce qui menace l’avenir de l’agriculture, ce qui menace le revenu des agriculteurs, ce n’est pas davantage de nature, ce n’est pas l’équilibre climatique, c’est l’utilisation toujours plus massive de pesticides, l’utilisation toujours plus massive d’engrais de synthèse. On peut faire de l’agriculture sur des zones de biodiversité et on peut protéger la biodiversité sur les zones où on pratique l’agriculture. Et c’est cela qui sauvera l’humanité », a-t-il défendu.

lien pour lire la suite : https://basta.media/Reduire-pesticides-taxer-importations-polluantes-Jordan-Bardella-s-y-oppose-election-europeenne

11 mai 2024 – GIGA-BASSINES, NI ICI, NI AILLEURS

Depuis plusieurs années, une poignée d’agro-industriels tente de s’accaparer l’eau un peu partout dans le pays. C’est maintenant au coeur de l’Auvergne, dans la plaine céréalière de la Limagne (à l’est de Clermont-Ferrand – 63), qu’avance le plus grand projet de giga-bassines jamais conçu en France : 2,3 millions de m3 d’eau sur 330 000 m² de bâche plastique !

Officiellement, le projet est porté par l’ASL des Turlurons, composée de 36 exploitations agricoles dont font partie le président de la multinationale Limagrain (4e semencier mondial) et 5 de ses administrateurs. Officieusement, c’est donc bien Limagrain qui pousse ce projet, dans l’intérêt de sécuriser sa production de maïs semence destinée à l’exportation, le tout financé à 70% par de l’argent public !
Ces giga-bassines se rempliront directement par pompage dans un des affluents de la Loire, l’Allier. La zone est pourtant classée Natura 2000 et supporte localement l’alimentation en eau potable de plus de 200 000 habitant·es. Cet accaparement va de pair avec la dégradation des sols, l’assèchement des écosystèmes, l’anéantissement de la biodiversité et la pollution des eaux par l’usage intensif de la chimie agricole.
Source site des SDLT

Soyons nombreuses et nombreux à ce rendez-vous. Des départs sont prévus depuis Figeac. Si vous êtes intéressé-e, envoyez un message à : faucheurs46(at)riseup.net

11e FÊTE DES FAUCHEURS – 30 et 31 MARS 2024 à LACAPELLE-MARIVAL

Le programme de la fête en téléchargement (pdf) ici.

CETTE FÊTE REPOSE SUR LA PARTICIPATION DE BÉNÉVOLES !
De tous les âges, dynamiques, rêveuses, rêveurs, militant-es à grande gueule, citoyen-nes plus discret-es
NOUS AVONS BESOIN DE VOUS !

Avant la fête pour mettre en place l’événement, vendredi 29 mars pour l’installation ( si possible dès 9h-10h au plus tard ) : installations des barnums – décoration extérieure et de la salle des fêtes – mise en place des barrières – signalétique…

Pendant la fête tout en profitant des animations
Samedi 30 et dimanche 31 mars dès 9h pour :
accueil du public – parkings – camping – conférences – concerts – bars (intérieur et extérieur !) – propreté toilettes – stands restauration

Lundi 1er avril, pour le joyeux démontage du lundi de pâques !

MERCI D’EN PARLER AUTOUR DE VOUS, DE FAIRE CIRCULER CETTE INFORMATION.

Pour vous engager dans cette belle aventure, obtenir plus d’informations sur les postes à pouvoir et nous informer de vos disponibilités et envies : Philippe 06 42 28 65 36 ou vo46(at)riseup.net  

Risques liés aux « nouveaux OGM » : le rapport a finalement été publié sur le site de l’Anses le 6 mars.


ECO-SIDERANT // Nouveaux OGM : le gouvernement bloque un rapport  critique

(source: Basta- 6 mars 2024)

Une publication sur les plantes issues de nouvelles techniques génomiques (NGT) bloquée sur « pression politique ».  C’est ce qu’a révélé Le Monde , le 5 mars, concernant un avis de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Alors qu’un vote au Parlement européen a eu lieu le 7 février pour ouvrir la voie à ces « nouveaux OGM » en Europe, l’avis de l’Anses aurait dû être publié pour cette échéance afin d’éclairer le choix des eurodéputé·es.
 
Suite à ces révélations, l’avis a finalement été publié le 6 mars sur le site de l’Anses, avec l’ensemble du rapport. Nous avons déjà eu l’occasion à Basta! de vous parler de ces « nouveaux OGM » : les laboratoires agissent directement sur le génome pour provoquer la caractéristique qu’ils souhaitent. Le règlement en cours de négociation en Europe prévoit que ces variétés, lorsqu’elles comportent moins de 20 modifications génétiques (NGT1), soient exemptées d’étiquetage, de traçabilité et d’évaluation des risques. Ces NGT1 sont considérées par la Commission comme équivalentes aux végétaux conventionnels.
 
L’avis de l’Anses entre en opposition frontale avec la position du gouvernement français qui a voté pour la dérégulation. Selon l’agence, les critères d’équivalence choisis par la Commission, en étant « basés uniquement sur des aspects moléculaires », sont « insuffisamment justifiés ». Ses études de cas révèlent « des problèmes nutritionnels, d’allergénicité ou de toxicité ».  L’Anses plaide donc pour une évaluation des risques de ces nouvelles plantes pour la santé et l’environnement, au cas par cas. Le projet de la Commission européenne d’assouplir la réglementation, faute d’accord entre les États membres, est renvoyé à la prochaine mandature. Ouf !


L’avis de l’Anses sur les «nouveaux OGM» embarrasse le gouvernement

(source: Reporterre – 6 mars 2024)

Le gouvernement a-t-il exercé une « pression politique » pour éviter la publication d’un rapport clé, critique sur l’autorisation des NGT, les OGM de nouvelle génération ? C’est en tout cas ce qu’a affirmé une source au journal Le Monde à propos d’une expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). L’avis de l’Anses sur les NGT, issu de cette expertise, aurait été transmis au gouvernement dès le 22 janvier.

Or, ces « nouveaux OGM » se trouvent être en cours d’évaluation par l’Union européenne et ont franchi une étape clé lors d’un vote du Parlement européen favorable à un assouplissement des règles relatives aux OGM, le 7 février dernier. L’avis aurait dû être publié pour cette échéance, mais a disparu des radars… Avant d’être finalement publié hier sur le site de l’Anses avec l’ensemble du rapport, après les révélations du Monde.

Un retard opportun puisque, sur le fond, Le Monde qui a pu consulter l’avis avant publication, affirme que celui-ci entre en opposition frontale avec la position de la France à Bruxelles. Le règlement en cours de négociation en Europe prévoit en effet de déréguler largement les NGT lorsque ceux-ci comportent moins de vingt modifications génétiques.

L’Anses, à l’inverse, plaide pour une évaluation au cas par cas et juge aussi « importante » la mise en place d’un plan de suivi après chaque mise sur le marché, tant sur les impacts environnementaux que sur leurs effets socio-économiques, d’après Le Monde.

Risques environnementaux et socio-économiques

Cette expertise conduite par une vingtaine de scientifiques des organismes publics de recherche ou des universités rappelle que des « effets hors cible non désirés » persistent avec ces NGT, vantés pour leur grande précision dans la modification du génome, et recommandent de justifier dans chaque cas l’absence de risques liés à ces modifications génétiques collatérales.

Au-delà de ces effets hors cible, les experts soulignent plusieurs risques récurrents, dont « des risques liés à une modification inattendue de la composition de la plante pouvant générer des problèmes nutritionnels, d’allergénicité ou de toxicité, ou de risques environnementaux à moyen et long terme, comme le risque de flux de gènes édités vers des populations sauvages ou cultivées compatibles ».

Ils s’inquiètent également du risque de transferts de gènes entre espèces via ces technologies – par la grande variété de plantes qu’elles permettent de modifier – et des bouleversements potentiels des interactions entre espèces.

L’expertise de l’Anses interpelle enfin sur les risques de déséquilibres entre acteurs économiques qui pourraient être engendrés par l’introduction massive des NGT. En revanche, lorsque les NGT sont utilisés « pour répliquer des caractéristiques connues, en agissant sur un ou quelques gènes bien décrits, aucun nouveau risque pour la santé ou l’environnement n’est identifié », précise Le Monde. L’Anses n’a pas répondu au journal à propos des raisons des semaines de retard ayant précédées cette publication.


« Le Monde » a pu consulter l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail sur les nouvelles techniques génomiques. Contrairement à la position du gouvernement, il préconise une surveillance étroite des plantes concernées. 

(source : Le Monde/Stéphane Foucart – 5 mars 2024)

Qu’est devenue l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur les plantes issues des nouvelles techniques génomiques (NGT) – ou « nouveaux OGM » ? Le rapport d’experts supervisé par l’agence a été finalisé, le 11 décembre 2023, et l’avis formel de l’Anses, fondé sur ce rapport, a été signé, le 22 janvier, par son directeur général, Benoît Vallet, et immédiatement transmis au gouvernement. L’Anses avait prévu de publier le rapport et l’avis au début de février – de source proche du dossier, la publication a été bloquée sur « pression politique ».

La date était importante : l’expertise de l’agence devait éclairer le choix des eurodéputés, qui ont voté, le 7 février, pour ouvrir la voie sous conditions à ces « nouveaux OGM » en Europe. En dépit de ce vote, le projet de la Commission européenne d’assouplir la réglementation est aujourd’hui encalminé faute d’accord entre les Etats membres, renvoyé à la prochaine mandature. Mardi 5 mars, l’Anses n’avait toujours rien rendu public, ne donne pas d’explication à ces atermoiements, ne fait aucun commentaire et assure que tout sera publié prochainement.

L’avis de l’Anses, que Le Monde a pu consulter, est en opposition frontale avec la position défendue sur le sujet par la France à Bruxelles ainsi qu’avec la position majoritairement exprimée par les eurodéputés Renew au Parlement européen. Celle-ci était de dispenser certaines plantes NGT, portant moins de vingt modifications génétiques et répondant à des objectifs de durabilité, d’évaluation des risques pour la santé et l’environnement, de traçabilité et d’étiquetage.

400 applications commerciales passées en revue

A l’inverse, l’Anses plaide pour une évaluation des risques pour la santé et l’environnement de ces nouvelles plantes, au cas par cas. Elle juge aussi « importante » la mise en place d’un plan de suivi après chaque mise sur le marché, tant sur les impacts environnementaux de ces « nouveaux OGM » que sur leurs effets socio-économiques.

Cet avis endosse et synthétise sur une trentaine de pages les conclusions et recommandations majeures des experts formulées dans un rapport complet, auquel Le Monde n’a pas eu accès. L’expertise a été lancée en janvier 2021,

(suite réservé aux abonnés)

«90% des goûters d’enfants sont de la malbouffe ultratransformée»

(source : Reporterre/Emmanuel Clévenot – 4 mars 2024)

Une récente étude démontre un lien entre les aliments ultratransformés et un risque plus élevé, entre autres, de maladies cardiaques et de cancers. Le Dr Anthony Fardet appelle les pouvoirs publics à s’emparer de ce fléau.


Près de 10 millions d’individus suivis. Jamais une étude si vaste n’avait été menée sur le sujet. Le 28 février, dans le British Medical Journal, quinze chercheurs ont démontré le lien entre les aliments ultratransformés et trente-deux effets nocifs sur la santé. Notamment, un risque plus élevé de maladies cardiaques, de cancers, de diabète de type 2, d’anxiété, de troubles mentaux, voire de décès prématurés.

Face à ce fléau grandissant, le Dr Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et durable à l’Inrae [1] de Clermont-Ferrand et auteur de Bien manger est si simple — Pourquoi tout compliquer ? (éd. Thierry Souccar, 2021), appelle les pouvoirs publics à s’en emparer sans tarder.

Reporterre — Paquets de céréales, barres protéinées, boissons gazeuses, plats préparés… Tous ces produits ont un point commun : ce sont des aliments ultratransformés. Qu’est-ce qui, dans leur fabrication, se révèle dangereux pour notre santé ?

Anthony Fardet — Tous ont été artificialisés par l’ajout d’au moins un des quatre marqueurs d’ultratransformation. À savoir : des arômes ; des additifs cosmétiques, comme les colorants ou les modificateurs de goût ; des techniques industrielles de transformation, comme le soufflage ou la cuisson-extrusion ; et enfin des lipides, des glucides, des protéines ou des fibres ultratransformés, par exemple des isolats de gluten.

Les aliments ultratransformés, bien souvent, demandent moins de mastication et réduisent donc la satiété, puis l’acte alimentaire. Le consommateur mange alors en excès, notamment du sel, du sucre et du gras ajoutés.

Sans parler des xénobiotiques ingérés, c’est-à-dire des composés étrangers au corps humain que nos organismes ne rencontraient jamais auparavant. Ce peut être des résidus de pesticides, des additifs de synthèse, voire, d’après l’hypothèse d’autres chercheurs, des résidus migrant des emballages plastiques.

Et puis, autre point central, une grande majorité de ces aliments contiennent moins de composés protecteurs, tels que les minéraux, les fibres, les vitamines, et les oligoéléments.

En revanche, on ne peut pas blâmer un composé en particulier : des milliers et des milliers de combinaisons existent entre tous les marqueurs d’ultratransformation. Pour protéger notre santé, il faut réduire la proportion de l’ensemble de ces aliments dans nos régimes, et non se contenter de cibler isolément tel ou tel produit. C’est vraiment la proportion d’aliments ultratransformés dans le régime qui compte.

D’après l’étude, au Royaume-Uni et aux États-Unis, plus de la moitié des produits consommés sont des aliments ultratransformés. Ce chiffre grimpe jusqu’à 80 % pour les jeunes et les personnes les plus démunies. Pourquoi eux ?

Il y a, chez les jeunes, davantage d’ignorance sur ces questions. Le manque d’éducation nutritionnelle est flagrant. D’autant qu’en face, les géants de l’agro-industrie exercent un marketing très élaboré, visant à présenter ces produits comme bons pour la santé.

Et je ne parle pas seulement de la malbouffe, mais aussi des aliments véganes, végétariens, allégés, enrichis, sans gluten ou bio.

Par ailleurs, l’ultratransformé est souvent synonyme de calories et de bon marché. Or, quand on n’a pas beaucoup d’argent, la première préoccupation est de se remplir le ventre sans dépenser trop d’argent. Les ménages les plus modestes s’orientent donc vers ces aliments, comme un grand nombre d’étudiants en voie de paupérisation.

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PLUS INVISIBLES QUE LES PAYSANS: LES PAYSANNES « De plus en plus d’agricultrices se revendiquent de l’écoféminisme »

(source: Basta/Nolwenn Weiler – 6 mars 2024)

Les agricultrices ne veulent plus être invisibles. Certaines d’entre elles sont bien décidées à changer radicalement notre modèle de production. Elles le transforment de l’intérieur, au sein de groupes non mixtes, dans leur travail, et dans leur vie.


Des gros tracteurs et des gros bras : c’est la méthode qu’a – encore une fois – choisi le monde agricole pour se faire entendre ces dernières semaines. Mais à l’ombre de ces actions médiatiques bruisse une autre révolte agricole, qui propose un avenir plus collectif et plus joyeux. Portée par des paysannes qui revendiquent la non-mixité comme un espace de choix pour s’émanciper, cette révolte s’appuie sur une longue tradition de groupes « femmes », nés dans le secteur au sortir de la guerre.

Être libres d’apprendre

La rencontre des Travailleuses de la terre, qui s’est tenue en septembre 2022 dans une ferme près de Rennes (Ille-et-Vilaine), est l’héritière d’une histoire de non-mixité vieille de plus de 50 ans dans le monde agricole. Parmi les objectifs de cette rencontre de deux jours : la réappropriation des savoirs techniques. « Il y avait des ateliers câblage de prises, moteurs deux et quatre temps, abattage de poules… » raconte Manon Lemeux, qui prévoit de s’installer prochainement comme agricultrice. En Isère, où ont eu lieu au même moment les Rencontres paysannes féministes, on pouvait apprendre à se servir d’une tronçonneuse et d’un poste à souder. Quel est l’intérêt de ces échanges de savoirs en non-mixité ?

« On peut poser toutes les questions qu’on veut, répond Manon Lemeux. Et on est libres d’apprendre sans le regard masculin qui, même sans être malveillant, nous place toujours dans un rapport de séduction et une recherche de validation. » Faire part de ses doutes ou de son ignorance à des collègues masculins, c’est plus difficile, rapportent les femmes qui ont pu bénéficier de ces espaces d’apprentissage en non-mixité. Elles s’exposent à des moqueries inconfortables qui s’ajoutent à un présupposé de moindre compétence, lassant à force d’être répété.

« Avoir une formatrice facilite l’identification des participantes », remarque Agathe Demathieu, ingénieure en mécanique et membre de l’Atelier paysan [1]. « L’exemple, c’est fondamental. Cela montre qu’on est capable. De conduire un tracteur, de faucher, de mener une exploitation… » pense la sénatrice Marie-Pierre Monier. Ces ateliers sont aussi l’occasion de concevoir des ergonomies de machines agricoles plus adaptées, comme les postes de conduite des tracteurs, généralement peu confortables pour les femmes, qui n’arrivent pas toujours à atteindre les pédales.

« Une femme qui avait de grandes surfaces nous a fait part de ses difficultés avec son enrouleur d’irrigation [sur lequel on rembobine les tuyaux d’arrosage, ndlr], très difficile à manier, rapporte Marie-Pierre Monier. La mise au point d’outils plus petits est vraiment nécessaire pour les femmes. Cela permet aussi à de nombreux hommes d’éviter des troubles musculo-squelettiques. »

Concilier travail agricole et travail domestique

Moins initiées que les hommes au maniement des machines lors de leurs formations initiales, les femmes disposent d’un temps de formation continue assez restreint. Agathe Demathieu a ainsi calculé que plus les formations proposées par l’Atelier paysan étaient longues, moins les femmes y participaient. Elles représentaient 57 % des participants aux formats d’initiation sur deux jours, mais seulement 20 % des participants aux formations avancées qui durent cinq jours. « Pour les paysannes installées, se libérer cinq jours d’affilée pour assister à une formation semble compliqué – d’autant plus pour les femmes qui ont des enfants en bas âge », note l’ingénieure. Ce problème d’organisation ne semble pas toucher les jeunes pères.

La conciliation entre le travail domestique et le travail agricole faisait partie des thèmes de discussion des Travailleuses de la terre. Il faut dire qu’il y a là de quoi faire, tant la confusion entre les deux sphères est importante dans les fermes, au détriment des femmes le plus souvent. « Les normes de rendement des fermes se basent sur le travail domestique gratuit des femmes qui n’est jamais comptabilisé, avance Gwenen Montagnon, installée en polyculture élevage et en Gaec [Groupement agricole d’exploitation en commun, ndlr] avec son compagnon. On paye une personne alors qu’elles sont deux à travailler. C’est cela qui a permis de rendre l’alimentation pas chère. »

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PLUS INVISIBLES QUE LES PAYSANS: LES PAYSANNES « Je ne fais pas grand chose, la traite et la compta » : le travail invisible des paysannes

(source: Basta/Nolwenn Weiler & Sophie Chapelle – 6 mars 2024)

Accès restreint aux terres et aux prêts bancaires, revenus inférieurs à ceux des hommes, travail invisibilisé : la vie des agricultrices est toujours semée d’inégalités genrées.


Les agricultrices ont longtemps été des travailleuses invisibles, absentes des statistiques ; elles ne travaillaient pas, elles aidaient leurs maris. » Dans un rapport publié en 2017, six sénatrices faisaient le point sur « celles qui font le choix de la profession agricole [1] ». « De manière significative, le mot ’’agricultrice’’ n’est entré dans le Larousse qu’en 1961 », soulignait la co-rapporteure. « Je ne fais pas grand-chose : juste la traite et la comptabilité ! » pouvait-on entendre à cette époque dans les fermes. Sauf que ce sont précisément ces compétences-là qui permettaient – et permettent toujours – aux exploitations agricoles de fonctionner.

Depuis un demi-siècle, les agricultrices ont conquis des droits, à commencer par un véritable statut [2]. Elles représentent aujourd’hui un quart des cheffes d’exploitation, co-exploitantes ou associées contre 8 % en 1970. Derrière cette – très lente – féminisation, le métier d’agricultrice demeure particulièrement compliqué, les femmes y étant toujours confrontées à de nombreux obstacles. 

« Il est clair qu’il y a un progrès en termes de droits sociaux, note Émilie Serpossian, consultante et formatrice indépendante sur les questions de genre et d’égalité professionnelle en agriculture. Pour autant, avoir le statut de cheffe d’exploitation ne signifie pas être aux manettes ni être reconnue dans son travail. Il existe une forte persistance d’une dissymétrie des pouvoirs dans les fermes. »

« Il est où le patron ? »

« Le regard d’une femme sur les choix d’orientation du système ne va pas être pris en compte à la même mesure que celui d’un homme », précise Emilie Serpossian. Dans la profession, les hommes ne prêtent toujours pas autant de crédit aux femmes qu’à leurs homologues masculins. C’est ce que raconte une bande dessinée publiée en 2021, « Il est où le patron ? » (éditions Marabout) dans laquelle de jeunes paysannes combatives et passionnées se heurtent au machisme du milieu agricole et à des questions récurrentes comme : « Vous pensez gérer l’élevage toute seule ? », « Peut-être avez-vous un conjoint avec qui vous installer ? »

La docteure en science politique Clémentine Comer a analysé la division très genrée des tâches en milieu agricole. Dans la plupart des fermes, les hommes sont à l’extérieur tandis que les femmes se consacrent aux tâches qui s’exercent à domicile : la comptabilité et tout le travail administratif, entre autres. « C’est un travail plus morcelé, moins rattaché au domaine du productif et aussi plus individualisé, car il est réalisé dans les espaces domestiques », nous explique-t-elle.

Être installée dans une ferme « paysanne » ou bio ne protège pas contre ces divisions genrées du travail. Alexandre Guérillot, auteur d’une étude sur la place des femmes dans le secteur pour la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), évoque l’exemple d’un couple de maraîchers, évoluant dans des espaces divers, mais beaucoup plus vastes pour l’homme. « Il gérait l’extérieur et s’occupait de toutes les machines. Le matin, quand il arrivait, il commençait par faire le tour de la parcelle tandis qu’elle se déployait sur des espaces plus restreints, du côté de la pépinière notamment », rapporte le chercheur [3]. 

Tâches invisibles et indispensables

Alexandre Guérillot ajoute que nombre de tâches dévolues aux femmes et rattachées au « soin » ne se voient pas. La gestion des saisonniers, par exemple, qui implique une importante charge mentale. Il se remémore une agricultrice qui commençait ses journées à 6h30 pour que les saisonniers puissent embaucher dans de bonnes conditions à 8h. « Elle préparait la glacière pour la collation du matin, faisait le point sur leurs heures. Puis, elle allait les chercher pour les amener aux champs. C’est aussi elle qui sonnait la pause et réglait les petits conflits. Elle ajustait en permanence son travail aux besoins de plein de gens », explique-t-il.

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PLUS INVISIBLES QUE LES PAYSANS: LES PAYSANNES « Si les agricultrices ont acquis des droits, c’est parce qu’elles se sont battues pour 

(source: Basta/Sophie Chapelle – 6 mars 2024)

Du partage des tâches au montant des aides, les inégalités de genre entachent le quotidien des agricultrices. Pour que les choses changent, les groupes en non-mixité jouent un rôle central. Entretien avec la chercheuse Clémentine Comer.

Clémentine Comer : Docteure en sciences politiques à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement-Paris-Dauphine, spécialiste de l’inégalité professionnelle en milieu agricole


Basta! : Vos travaux montrent que les agricultrices sont confrontées à une division très genrée des tâches. Comment se manifestent les inégalités socioprofessionnelles en milieu agricole ?

Clémentine Comer : Les inégalités jalonnent toute la trajectoire professionnelle des femmes en agriculture. Dans l’enseignement agricole, on ne sociabilise pas de la même manière les filles et les garçons à l’apprentissage des techniques clés de gestion des exploitations, mais aussi en matière de bricolage, de réparation, de débrouille : des pratiques qui sont structurantes dans le travail quotidien d’un agriculteur. Le défaut de formation est criant dans la conduite des engins ou matériels agricoles, que ce soit dans le cadre de leur formation ou au cours de leurs stages. De plus, les femmes rencontrent des difficultés à trouver des lieux d’apprentissage.

Par ailleurs, nombre d’entre elles n’héritent pas directement des exploitations agricoles. Elles entrent souvent dans le milieu agricole après une reconversion professionnelle. Quand elles s’installent seules, elles font face à une série de freins à la concrétisation de leurs projets, perçus comme moins crédibles par les institutions et l’encadrement professionnel : banque, organismes d’attribution des terres, conseiller technique, etc.

Une fois installées, elles sont davantage regardées et soumises au test répété de leurs compétences. Il y a également une tendance à les assigner à des domaines d’activité plus caractérisés comme féminins : la comptabilité et le travail administratif, entre autres. Dans les élevages ce sont souvent elles qui nourrissent les jeunes animaux.

« L’accès au congé maternité à égalité avec les femmes salariées a été un combat de longue haleine débuté dans les années 1970 et obtenu dans les années 2010 »

Elles vont être placées sur un ensemble de tâches éclectiques qui, aux yeux d’un professionnel, ont moins de valeur symbolique que de passer une journée sur un tracteur dans un champ. Il y a aussi une parcellisation plus forte du travail des femmes : ce sont elles qui gèrent les trajets des enfants, qui préparent les repas, permettant à ceux qui ne le font pas de passer un maximum de temps dehors, qui vont aller chercher des médicaments chez le vétérinaire… C’est un travail plus morcelé, moins rattaché au domaine du productif et aussi plus individualisé, car il est réalisé dans les espaces domestiques. Il demeure pourtant indispensable au fonctionnement de la ferme.

Le fait d’évoluer dans un milieu alternatif n’immunise pas contre ce risque de division genrée des tâches. Une enquête menée en 2018 par la Fédération nationale d’agriculture biologique révélait que 66 % des agricultrices bio en couple hétérosexuel prennent en charge la totalité ou presque du travail domestique…

Face à ce risque, ce qui va compter c’est le parcours de ces femmes : comment elles viennent à l’agriculture, avec quelle formation, quel projet derrière, quelle intention professionnelle. En raison des discriminations qui existent dans l’accès au foncier et aux outils de production, elles vont plutôt se tourner vers des systèmes assez économes en surfaces foncières et en intrants, et qui s’accommodent d’une faible mécanisation – maraîchage diversifié, plantes aromatiques… Autant de productions qui reposent sur de faibles investissements. Statistiquement, les femmes s’installent davantage en filière bio, souvent dans des activités diversifiées avec de l’accueil à la ferme par exemple. Il y a aussi une recherche de cohérence des systèmes avec l’engagement dans des filières de transformation et de commercialisation courtes.

Les inégalités de genre en agriculture tendent-elles à se réduire ?

Si l’on regarde la dotation jeune agriculteur (DJA) [une aide à la trésorerie versée aux nouvelles exploitations agricoles, ndlr] attribuée aux moins de 40 ans, on constate ces trois dernières années une diminution du nombre de femmes installées, alors qu’il y avait un renouvellement des activités agricoles via l’installation de jeunes dans la dernière décennie. C’est une tendance qui doit nous alerter. Et en même temps, les choses bougent, le travail des femmes est perçu comme plus crédible.

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https://basta.media/Droits-des-femmes-sans-les-groupes-non-mixtes-les-agricultrices-n-auraient-peut-etre-pas-de-statut